Contexte Historique et Théologique des Apparitions de Medjugorje

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Nouvelle conception de la foi : la foi comme le fruit de l’expérience

En même temps que les manifestations des étudiants des années soixante, nous rencontrions dans le domaine religieux des phénomènes singuliers, relevant, dirait-on, presque de la Post-moderne. Les jeunes, enthousiasmés par Jésus, formaient des communautés comme « Jesus People » et créaient des expressions musicales comme le rock-opéra « Jesus Christ Superstar ». En tant que personne, Jésus est sympathique, mais on lui enlève ses attributs divins, on l’arrache à l’Église. Jésus oui – l’Église non, c’est le slogan tant répandu. Le Concile a fait son travail en ce qui concerne un plus grand personnalisme dans l’Église, mais également en ce qui concerne un plus grand personnalisme dans l’acte de foi. Jusqu’au Concile prédominait l’image de l’Église comme Corps mystique du Christ, le Concile a permis la percée de l’idée du Peuple de Dieu, alors que la Constitution dogmatique sur la Parole de Dieu, à savoir sur la Révélation, dit expressément au sujet de la foi : « À Dieu qui révèle est due "l’obéissance de la foi" (Rm 16,26 ; cf. Rm 1,5 ; 2 Co 10,5-6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans "un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité". Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de la révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite. » (Dei Verbum 5)

Si nous comparons ces mots à ce qui a été dit au Premier Concile de Vatican, nous y voyons une différence essentielle. En ces derniers temps, nous sommes témoins d’un retournement dans la conception de la foi. Le problème n’est plus de croire aux dogmes, aux vérités de la foi, et de les accepter dans la vie, mais le problème est l’expérience de la foi. L’élément de l’expérience prédomine dans presque toutes les questions et problématiques religieuses. Les éléments et les moments d’expérience sont devenus presque la condition pour que l’on soit disposé à croire et à donner sa confiance ou son cœur (latin. credo = cor do). C’est devenu comme une règle non écrite : donne-moi ton expérience, montre-moi ton expérience, et je te croirai. Par conséquent, cette question pourrait se résumer à un problème particulièrement actuel aujourd’hui. Jusqu’à présent, la règle fondamentale pour la transmission de la foi était la transmission d’une certaine quantité de savoir, d’informations sur la foi et les contenus religieux. L’information, cependant, aussi complète soit-elle, comporte un déficit. Ce mode de transmission, surtout dans la situation spirituelle contemporaine, perd de plus en plus sa base et son fondement. Il n’y a plus rien à prouver ou à démontrer à nos contemporains, car ils sont mûrs et adultes. Ils ne sont plus dans l’état d’immaturité. Jésus lui-même ne faisait pas les signes et les miracles pour prouver quoi que ce soit, mais pour introduire les gens au mystère de sa personne et de sa mission, ainsi qu’au mystère de la confiance et de la foi.

Il faut donc, et c’est ce qui se fait à Medjugorje, passer du modèle instructif de transmission de la foi au modèle inspiratif, puisque l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans la personne et que la personne s’ouvre à ce que l’Esprit inspire. On peut ici donner l’exemple du théologien Karl Rahner. Vers la fin de sa vie, au seuil de l’éternité, il se plaignait du froid, de l’hiver qui règne dans l’Église, de l’Église froide. Il pensait probablement aux orientations restauratrices dans l’Église, aux fronts théologiques bloqués, à l’essoufflement du mouvement œcuménique, et au manque de résonance du Concile et de la pensée moderne théologique dans le public plus large. Cependant, sous la neige et sous le givre se trouvent les germes d’un nouveau printemps, naît une nouvelle vie et le printemps se réveille progressivement. C’est pourquoi le même Rahner pouvait dire avec raison que le croyant, le chrétien de demain et du prochain millénaire, sera mystique ou ne sera plus. De quel droit Rahner parle-t-il ainsi ? La foi et la prière, la théologie scientifique et la mystique sont toujours inséparables. L’un n’existe pas sans l’autre. Le sens intérieur et la confirmation de cette affirmation procèdent du fait que seule une foi mystiquement approfondie peut accorder à l’homme marqué par les angoisses et les détresses existentielles le sens profond dans la quête de son identité. Ne sommes-nous pas confrontés au syndrome de la réincarnation, qui n’est au fond qu’un fruit de l’échec dans la quête de l’identité ? Dans de telles constellations, nous avons une réponse mystique, plutôt une époque mystique en réponse, comme chemin vers le but personnel. Dans ce cas, le chemin est le but et le but est le chemin.

Au centre de toute mystique se trouve la pensée de Paul que ni la théologie ni la mystique ne peuvent épuiser : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20) Le christianisme de demain ne doit et ne peut rester dans ses propres antichambres, il doit pénétrer au centre de ses possibilités. Plus cela arrive, plus sa figure change, plus il est orienté vers sa forme mystique. Le christianisme devient ainsi une religion d’espérance, de liberté et de paix. Il devient surtout une religion de dépassement des angoisses existentielles, puisque l’homme contemporain est cerné par les angoisses, ligoté dans son énergie vitale, incapable d’accepter sa propre personne et son avenir, et vit le dos tourné à son avenir. L’homme contemporain est incapable de répondre aux sollicitations qui le rendraient capable de supporter les défis du temps présent et de se tourner vers l’avenir avec assurance et confiance. L’existentialiste Karl Jaspers a déjà dit que l’angoisse existentielle, jamais aussi présente qu’à notre époque, était devenue l’effroyable compagnon de l’homme. Sans aucune ambiguïté, l’angoisse est devenue la caractéristique de l’homme moderne, elle est l’acide qui ronge la joie de vivre et décompose la volonté de vivre. C’est pourquoi la foi est son seul vrai contraire et le seul remède, car la foi nous ancre dans la réalité du Dieu présent dans l’histoire, alors que l’angoisse dérobe le sol sous nos pieds. L’homme angoissé est suspendu au-dessus de l’abîme du néant. Une telle peur engendre également l’impossibilité d’une vraie communication entre les hommes, car celui qui vit dans la peur n’est pas capable d’articuler son état et sa détresse. L’homme angoissé n’est pas capable de dire un mot. Le dernier mot, le résumé de tout le kerygme de Jésus dans l’évangile de Jean, contenu dans le discours des adieux, c’est : « Dans le monde vous aurez peur. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde. » (Cf. Jn 16,33)

L’homme contemporain en quête de Dieu a besoin de la foi des témoins et non d’une explication ou d’une argumentation intellectuelle. Il compte davantage sur le témoignage des convaincus que sur l’intelligence des instruits, et la foi ne se transmet pas tellement par le biais de l’intelligence, mais par le témoignage de ceux qui - par leur vie et leur souffrance - lui donnent un nouveau sens et la crédibilité. C’est tout particulièrement évident dans l’ex-bloc communiste, où la foi s’est montrée plus forte que le soi-disant socialisme scientifique, précisément grâce à la souffrance et à l’humilité des victimes, dont les vies manifestent la présence de l’espérance et la promesse de la foi. Cette foi n’est pas une résignation ou un repli, une fuite dans l’irrationnel à cause des dangers de l’intelligence pratique, mais le courage to be, l’audace par rapport à l’existence et l’être, un appel prophétique et un élan vers les espaces auxquels toute la réalité qui nous entoure appelle. Aujourd’hui, et de plus en plus, la raison, la science et la rationalité technique sont pris en aversion, et c’est pourquoi il est extrêmement important de souligner la dimension essentiellement logique de notre foi, afin qu’elle soit logiké latreia (cf. Rm 12,3), le culte raisonnable et l’offrande, la synthèse vitale de tout l’homme, et non le fruit d’un saut irrationnel dans quelque chose d’inconnu. Le mystère en soi n’est pas une irrationalité, mais la profondeur extrême de l’intelligence divine que nous ne pouvons pénétrer par nos yeux humains limités. C’est pourquoi St Jean peut dire : Au commencement était le Logos, l’intelligence créatrice, la force de la connaissance de Dieu qui donne le sens, le commencement de toute chose. C’est à l’homme de découvrir les traces de cette Intelligence divine et de développer et interpréter dans cette direction le sens des choses et de la réalité créée.

 

Afin que Dieu puisse vivre dans vos cœurs vous devez aimer.

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